Nous vivons dans un cadre sociétal décidé et implanté qui date de bien avant notre naissance. Chaque matin, la routine métro, boulot, dodo recommence. On avance sans trop se poser de question. Ainsi va la vie…
Pourtant, souvent, un vide subsiste; le genre de vide qui nous porte à se questionner, un vide qui nous fait penser : « Et s’il y avait plus? Et si j’osais… ». Mais la plupart du temps, on n’ose pas.
Pourquoi? Par peur. Peur du changement, peur d’être déstabilisé, peur de manquer d’argent, peur de déplaire, peur de ce que les autres diront, peur de blesser, peur de se retrouver face à face avec soi-même, peur de se rencontrer réellement. Peur… Une toute-puissance imprégnée dans les fondations de notre société.
Mais ces peurs sont en fait liées à une seule et même chose : la peur de se choisir, de sortir de sa zone de confort. Une zone qu’on s’est méticuleusement tissée au fil des ans pour nous garder à l’abri et nous permettre de survivre, comme un cocon. Mais à la base, un cocon est un abri temporaire. Si on n’en sort pas, il risque de se convertir en zone grise où plus rien ne pousse, où tout est à l’état de sécheresse, attendant la mort. Une zone où les arbres se laissent mourir, altérant ainsi le cycle des saisons et l’éclosion des bourgeons. Une zone où les bateaux sont amarrés au quai en toute sécurité. Mais là est-elle la véritable vocation d’un bateau, rester stationner au port? « Vous ne pourrez jamais traverser l’océan si vous n’avez pas le courage de perdre de vue le rivage. » nous a légué le célèbre explorateur Christophe Colomb.
Pour sortir de sa zone de confort, on doit d’abord accepter de perdre de vue tous nos repères, de retomber au point mort, au point zéro, d’apprendre à se sentir à l’aise dans l’inconfort, de cesser de tout prendre au sérieux, d’oser aimer le farfelu, d’arriver à rire de soi et surtout, d’apprendre à se faire confiance. Plus on étire l’élastique de la zone, plus on se sent revivre et grandir, jusqu’au jour où l’élastique flanche. Il n’y a alors plus aucune limite. On a accès à tout ce qu’on croyait jadis impossible, inatteignable. On est Libre d’Être.
Des raisons pour demeurer amarré au quai, il en existe une tonne (croyez-moi, j’en ai longuement et minutieusement analysé plusieurs, comparant le pour et le contre). Ça semble tellement plus facile de ne pas bouger. Mais à la longue, le paysage est toujours pareil. Il devient monotone, ennuyeux, déprimant… et nous aussi. Ce qu’on oublie souvent, c’est que sortir du cocon est notre droit inné. Il suffit d’y aller un pas à la fois, dans la simplicité. La fleur est d’abord bourgeon. Le papillon est d’abord chenille…
Une chenille se pose-t-elle mille et une questions avant de tisser son cocon pour devenir chrysalide : « Je le fais… ou pas? Oh, ça risque d’être long… et pénible! Et si je n’arrivais pas à me transformer en papillon, et si je mourais dans le cocon… et si… et si. »? OK, la chenille n’a pas cette capacité à réfléchir… Tant mieux, car si elle l’avait, il y aurait sûrement moins de beaux papillons en ce monde!
Pour la chenille, prendre le temps de s’arrêter en vue de se transformer en chrysalide est la chose la plus naturelle qui soit, un passage, comme celui de l’adolescence à l’adulte, par exemple. Mais quand Faire et Avoir prévalent sûr Être, ne rien faire est souvent inconfortable; un synonyme de paresse. Dans un monde qui ne dort pas, on privilégie le multitasking, on se valorise à faire du temps supplémentaire et à surpasser les objectifs, même si notre santé en paie le prix. Parce qu’on a l’impression d’être utile, de se réaliser… Pression et production priment sur plaisir. Trop souvent, c’est lorsque le corps cesse de suivre qu’on s’arrête; il nous a déjà envoyé plusieurs signaux, mais nous ne les avons pas écoutés.
Les maux du corps sont les maux de l’âme. Ainsi, on ne doit pas chercher à guérir le corps sans guérir l’âme.
― Platon
Prendre un moment pour soi, c’est toute une histoire, n’est-ce pas? Car depuis toujours, nous entendons et chérissons une petite phrase pourtant bien lourde de sens : Ah… Je n’arrête jamais! C’est peut-être dans ces quelques mots que réside la source du problème. Et, par conséquent celle de la solution.
Nous avons depuis longtemps délaissé les initiations et les rites de passages si précieux et vigoureusement pratiqués par nos ancêtres les Premières Nations et les anciennes civilisations. De nos jours, devenir un homme (ou une femme), savons-nous ce que ça signifie, réellement? Bien entendu, la majorité civile amène plusieurs droits. Demeure-t-il que la transition de l’adolescence à l’âge adulte, un des passages le plus importants d’une vie, se fait en une seule journée, généralement celle de son 18ième anniversaire.
La préparation pour devenir adulte se résume habituellement à l’éducation provenant d’un système fondé sur les « il faut ». Chez les Premières Nations, celui qui se préparait à devenir un homme se purifiait dans la loge à transpirer avant d’être amené sur une montagne habillé que d’une couverture. Sans aucun autre effet, nourriture ni eau, seul, il implorait sa vision pendant plusieurs jours et nuits. La vision lui procurait sa raison d’être, son but et sa mission sur terre. Celui qui la recevait devenait un homme véritable. On retrouve également la quête de vision chez les autochtones d’Hawaï qui entreprennent les initiations dès la naissance (elles se préparent même pendant la grossesse). L’initiation du haku, le capitaine, suit leur quête de vision. Une fois haku, la personne est réellement maître d’elle-même.
La clé de tout, c’est l’initiation authentique. Mais qu’est-ce que ça signifie? Ça commence, selon le chef (Hale Kealohalai Makua, aîné autochtone hawaïen) en sachant qui vous êtes et où vous êtes.
― Hank Wesselman
Qui êtes-vous et où êtes-vous… Les diplômes, poste, fonction, titres honorifiques, comptes en banque, statut matrimonial, et tout le reste ne peuvent pas être considérés dans la réponse, car ils sont les pelures de l’oignon. Et c’est le centre, le noyau, dont il est ici question. Mais une fois ces facteurs éliminés, que reste-t-il…?
L’existence humaine ne revêt aucun sens si nous la passons à courir après des biens matériels éphémères. (…) Si l’homme et la femme retrouvent le sentiment d’une profonde appartenance à la terre, ils pourront mûrir une vision de l’univers dont profitera le monde entier.
― Aigle Bleu
Avec le temps, nos cocons auraient-ils perdu leur vocation originale? En étant constamment à la course, leur permettons-nous seulement de remplir leur fonction? Seraient-ils plutôt devenus une prison dans laquelle nous étouffons… des cocons dans lesquels nous nous éteignons? Aurions-nous oublié, en les tissant, de leur greffer les fils de notre essence véritable? Ceux qui ont le pouvoir d’attiser l’étincelle dans les endroits les plus sombres, les gardiens de notre émergence…
Le monde est très simple : vous êtes soit dans la peur, soit dans l’amour. Pendant que nous découvrons où nous avons jeté notre ancre, nous apprenons tous à devenir des navigateurs ― ho’okele ― de notre propre destinée à travers le temps, et alors que nous entrons et sortons de la peur, nous découvrons que l’amour est la seule force dans l’univers qui nous sortira de la peur. Mais quand l’amour se retire, la peur revient. Simple.
― Hale Kealohalai Makua, aîné autochtone hawaïen
Pendant la nymphose qui dure plus d’une semaine, la chenille vit tout un bouleversement. En fait, elle se transforme en jus… oui, en jus! Elle produit des enzymes qui la décomposent pour laisser place à un liquide. Une fois déconstruite, au point zéro, elle se rebâtie : ses organes (ou ce qu’il en reste) s’adaptent à la vie du futur papillon : les antennes s’allongent, le cerveau et les yeux grossissent, le tube digestif rétrécit, tout y passe.
Quand on s’arrête avec l’intention de fusionner avec notre adulte intérieur, de devenir la meilleure version de soi-même, il faut s’attendre à traverser certains passages plus ardus. On peut décider de rester dans son cocon et de ne jamais en sortir, mais là n’est pas sa vocation.
En choisissant de prendre un véritable moment pour s’arrêter, pour s’aimer, pour observer, pour s’accepter, pour se déconstruire et mieux se rebâtir, on se permet d’Être… de vivre l’émergence du papillon qui déploie ses ailes pour la toute première fois. Ce petit être exceptionnel qui, par sa seule présence, apporte la beauté, égaye les regards, nous ramène au moment présent, en plus d’avoir la liberté de se déplacer comme bon lui semble, de visiter des contrées peu sillonnées ― et peut-être même encore non-explorées.
Et si, comme le papillon qui sort de son cocon, en éclatant les limites de notre zone de confort soigneusement brodée, on se découvrait des ailes…
Du TRÈS BEAU TRAVAIL ma fille ,
je suis très fier de toi …..je t’aime xxxxx